Reggane 1960: une explosion qui affecte des générations
- Le 13 février 1960, la France fait exploser sa première bombe atomique, Gerboise bleue, dans le ciel de Reggane, en plein Sahara algérien, à 7h04 minutes, sous le commandement du général Ogrie.
La construction du site de Reggane débute dès juillet 1957; la France y organisera 3 ans plus tard, le plus grand et le plus dangereux essai nucléaire. En effet, cette première bombe atomique était d’une puissance de feu nucléaire dépassant les 450 kilotonnes, l’équivalent de trois bombes d’Hiroshima. L’essai ne fut pas le dernier, car la France a procédé à l’explosion de toute une série de plus de 15 essais, entre 1960 et 1966.
Reggane se situe dans le sud-ouest de l’Algérie, à quelque 1 800 kilomètres de la capitale, la zone est habitée par une vingtaine de milliers de personnes. Les autorités coloniales affirmaient pourtant qu’il s’agissait d’une région inhabitée. Abderrahman Saadaoui citoyen de Reggane, affirme qu’il a été mobilisé pour travailler sur le lieu. Il a perdu la vue quelques jours plus tard.“Le lendemain de l’explosion, le commandement militaire du centre a organisé une fête. Nous étions illettrés et ne comprenions pas ce qui se passait. J’ai vu des soldats français pleurer à l’intérieur de la caserne et insister pour qu’on les ramène en France.” Il ajoute, J’ai perdu la vue, comme beaucoup d’autres habitants de la région, et il y a eu à Reggane des maladies qu’on n’avait jamais vues. En plus, la production agricole a chuté, alors que c’était notre seule activité économique.”
« Aujourd’hui, les services de santé de Reggane font état d’une multiplication des cancers. Depuis l’an 2000, près de cent cinquante cas ont été enregistrés. De leur côté, les habitants parlent de dizaines de décès. En plus du cancer, le nombre de personnes aveugles ou atteintes de glaucomes revêt des proportions effrayantes. Selon les habitants, des dizaines de personnes ont perdu la vue pendant les premières années qui ont suivi les essais et des centaines se sont fait opérer en Algérie ou à l’étranger. De même, beaucoup de maladies chroniques des voies respiratoires, urologiques et des diarrhées chez les enfants ont été constatées ».
Le Dr Kadhem Al-Aboudi explique que les essais ont produit des changements violents tels que des déplacements de dunes de sable dans les zones souffrant d’érosion. De même, un appauvrissement de la faune et de la flore, avec la disparition de nombreux reptiles et d’oiseaux, y compris migrateurs.
Les essais réalisés à In Iker de 1961 à 1966 ont eut les mêmes effets sinon, plus dévastateurs que ceux de Reggane, ils ont causé la mort de nombreux algériens. C’est un désastre écologique et humain, qui jusqu’à nos jours, continue de provoquer des maladies dont des cancers radio-induits.
Plusieurs associations se sont battus pour voir la France reconnaître les conséquences irréversibles des essais nucléaires. Abderrahman Lhbab, ingénieur chimiste et membre de l’Association algérienne du 13 février 1960, estime que “la France se trompe en considérant que les victimes sont celles qui ont travaillé sur le site. Les véritables victimes, ce sont les générations futures. Avant les dédommagements, il faudrait d’abord reconnaître le crime et demander pardon. Car le crime est énorme !”
Source: Babzman