Turpitudes… réinventées – Tariq Uyasin
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« Zman, le maître de tous les temps, gardien du défilement des jours, sursauta aux voix qui montaient d’en bas. Il écarquilla les yeux, secoua la tête pour mieux se réveiller. Il réalisa qu’un petit laps de temps d’indifférence allait provoquer des siècles d’inquiétude. En un tour de main, il renvoya Hier aux oubliettes et fit disparaître Demain. L’horloge s’était remise à l’endroit. Ne restait qu’Aujourd’hui, face au destin du moment. »
Ne dit-on pas que les petits ruisseaux font les grandes rivières ? Ou que la grande Histoire, celle qui nous apprend les cheminements des Hommes à travers les temps, surtout le temps des dominants, est également écrite pas les « vainqueurs » ? Mais avant qu’il y est la grande Histoire, comme pour la grande rivière, il y a bien eu la petite, celle que les ruisseaux du temps ont arrosé l’humanité de secrets des Êtres, dans leur déversement ancestral !
Dans ce recueil composé de sept nouvelles, Tariq Uyasin, de son œil perché tel un phare au-dessus de sa ville portuaire Tigzirt, avec une plume limpide et juste, l’eau du ruisseau aux chuchotements tranquilles se frayant son chemin sous ses pieds de montagnard, annonçant la fin du gel et le début du renouveau naturel et croisant dans sa chute gravitationnelle d’autres chuchotements de l’histoire, jusqu’à l’immersion totale dans les fonds des eaux archéologiques des temps, nous invite à méditer sur ses douloureuses pensées, ses sources originelles à son estuaire présent, avec le réalisme qui sied à l’eau, charriant des générations en quête d’un temps à maîtriser, dans L’ethnologue, à notre âge historique, dans Jean-Baptiste, à notre humanité partagée, dans Agora-café, à notre héroïsme ancré, dans Le temps d’un printemps, à notre traumatisme face à l’arbitraire, dans Murs et chuchotements, à notre avenir mal préparé, dans Le retour des maures, à notre amnésie face à la mémoire, et dans Les errements de Zman, à notre responsabilité face à nos actions.
Oui, la grande rivière ne peut exister sans les petits ruisseaux. L’auteur en sait quelque chose.
Résumé :
« Zman, le maître de tous les temps, gardien du défilement des jours, sursauta aux voix qui montaient d’en bas. Il écarquilla les yeux, secoua la tête pour mieux se réveiller. Il réalisa qu’un petit laps de temps d’indifférence allait provoquer des siècles d’inquiétude. En un tour de main, il renvoya Hier aux oubliettes et fit disparaître Demain. L’horloge s’était remise à l’endroit. Ne restait qu’Aujourd’hui, face au destin du moment. »
Ne dit-on pas que les petits ruisseaux font les grandes rivières ? Ou que la grande Histoire, celle qui nous apprend les cheminements des Hommes à travers les temps, surtout le temps des dominants, est également écrite pas les « vainqueurs » ? Mais avant qu’il y est la grande Histoire, comme pour la grande rivière, il y a bien eu la petite, celle que les ruisseaux du temps ont arrosé l’humanité de secrets des Êtres, dans leur déversement ancestral !
Dans ce recueil composé de sept nouvelles, Tariq Uyasin, de son œil perché tel un phare au-dessus de sa ville portuaire Tigzirt, avec une plume limpide et juste, l’eau du ruisseau aux chuchotements tranquilles se frayant son chemin sous ses pieds de montagnard, annonçant la fin du gel et le début du renouveau naturel et croisant dans sa chute gravitationnelle d’autres chuchotements de l’histoire, jusqu’à l’immersion totale dans les fonds des eaux archéologiques des temps, nous invite à méditer sur ses douloureuses pensées, ses sources originelles à son estuaire présent, avec le réalisme qui sied à l’eau, charriant des générations en quête d’un temps à maîtriser, dans L’ethnologue, à notre âge historique, dans Jean-Baptiste, à notre humanité partagée, dans Agora-café, à notre héroïsme ancré, dans Le temps d’un printemps, à notre traumatisme face à l’arbitraire, dans Murs et chuchotements, à notre avenir mal préparé, dans Le retour des maures, à notre amnésie face à la mémoire, et dans Les errements de Zman, à notre responsabilité face à nos actions.
Oui, la grande rivière ne peut exister sans les petits ruisseaux. L’auteur en sait quelque chose.
Bio-express :
Natif de Tigzirt, Tariq Uyasin est juriste de formation. Il a été enseignant de langue française jusqu’à sa retraite. Correspondant de presse local de Le Courrier d’Algérie, puis collaborateur à la revue Passerelles, son écriture est portée sur l’histoire et les traditions locales. La petite histoire est sa source d’inspiration.
Extrait :
L’ethnologue
On venait de faire rentrer un nouveau prisonnier. Un crâne labouré d’une lame, ayant laissé des îlots épars de cheveux à certains endroits et des entailles, à peine cicatrisées, en d’autres. Des yeux noircis par un éveil imposé. Une tête fatiguée, au-dessus d’une silhouette filiforme.
En lui tapotant l’épaule, comme on le ferait à un ami, le sergent, l’air compatissant, le fit avancer au milieu de la salle, où murs et sol étaient un parfait agencement de larges blocs de pierre bien taillés, vestige des anciens thermes romains, où les numides réfractaires servaient d’appâts à des murènes affamées. Ces pierres, l’humidité des lieux et la résonance des sons qui pouvaient s’y produire, étaient ce qui restait du décor qui avait servi à ces scènes, somme toute, presque identiques à celles du moment. Entre temps, on avait inventé l’électricité et les détergents.
« Tu vois là-bas, le petit Akli ? Je sais que tu le connais. Il est du même patelin que toi. Dans la tribu tout le monde se connaît. Non ? Il n’est pas beau à voir, hein ? Alors tu as intérêt à parler » dit le sergent au nouveau venu, tout en lui caressant la nuque, déjà imbibée d’un mélange de sueur et de la moiteur ambiante. Celui que le sergent lui désignait, en lui faisant pivoter la tête vers un endroit de la salle, ne ressemblait plus à l’Akli qu’il connaissait. Celui qu’il voyait, à ce moment-là, était une loque. Un semblant de bout d’homme, recroquevillé dans ce coin de la salle des tortures, l’antique salle des supplices. Percevant, à peine, ce qui s’y disait ou ce qui s’y faisait. Il venait, le pauvre idéaliste, de subir toute la panoplie de la profession qui s’y exerçait. La quête de l’information s’était arrêtée là où la douleur n’avait plus d’emprise sur le corps. Son esprit, lui, pour mâter la souffrance, relisait certains passages de « La question » d’Henri Alleg, qu’il venait de finir, heureusement pour lui, juste avant son arrestation. A cette question, il avait une bonne partie des réponses à ce moment-là. Il pensait que peut-être, l’expérience d’un non indigène l’aiderait à mieux résister. Akli s’était douté que « L’opération jumelles » n’allait épargner personne. Même les bêtes de somme étaient suspectes. Entre le patriotisme qui l’animait et la réalité horrible qu’il vivait, le fossé s’était agrandi et le temps s’était rallongé. Durant ces instants, il ne se souvenait que de la dernière phrase prononcée par l’officier qui menait l’interrogatoire : « Butez-le ! ».
Dans un autre endroit, celui-là éclairé de la salle, assis autour d’une table pour reprendre leur souffle, deux troufions bien baraqués, les torses et les bras ostensiblement poilus, passaient en revue les documents retrouvés au domicile d’Akli, durant la perquisition qui a suivi son arrestation. Quand on les lui avait exhibés, collés au visage jusqu’à l’étouffer, il sentit l’odeur de sa maison, il revit les visages de sa vieille mère, ses cinq enfants et sa femme enceinte du dernier. Il avait presque oublié la douleur qui le taraudait. Il espérait que plus tard, les siens comprendraient. Il ne cherchait pas à se pardonner pour ce qu’ils risquaient de subir. Il s’y était préparé. Pour lui, le destin n’est pas écrit d’avance, il commence à s’écrire quand on le prend par la gorge. Seule l’idée de la séparation, peut être si tôt, le rendait triste. Aimer son pays était sa manière à lui d’aimer sa famille.
Un semblant de lettre intéressait particulièrement nos deux soldats. Un texte écrit dans des caractères qu’ils n’avaient jamais vus. Ils connaissaient un peu le sanskrit. Ils avaient eu vent de ces écritures chinoises très anciennes. Ils auraient été des hiéroglyphes, ils avaient Champollion pour les déchiffrer. Ils avaient passé des heures, à essayer de soutirer à Akli, l’idée qu’il s’agissait d’un message codé, destiné au maquis. Au fond de lui, Akli commençait à croire que son combat pour la reconnaissance de son identité culturelle, était plus mortel que le combat qu’il menait pour la libération de son pays. Ils continuaient à tripoter ce papier à lettres, jauni par le temps et noirci, à force d’être manipulé par des doigts sales. Les yeux grands ouverts, jusqu’à plisser les fronts sur toute leur largeur, ils s’ingéniaient à trouver une hypothétique clé au rébus.
Akli avait beau répéter que c’était une écriture pratiquée en Afrique du Nord et qu’elle était très ancienne, rien n’y faisait. Réponse trop facile du dominé face à son dominant. Toute l’armada qui s’était succédée au chevet d’Akli, était convaincue qu’il s’agissait d’un code secret. Comment pouvait-il expliquer qu’ils n’étaient pas nombreux à l’écrire, dans cette région de ce grand pays ? Qu’il faisait partie de cette poignée d’autochtones qui essayaient de protéger et de sauvegarder un patrimoine, sous un joug colonial et au milieu d’une guerre de libération ? Pour laquelle il se faisait déjà torturer. Il leur avait lu et relu, traduit et retraduit, maintes fois, le contenu de cette lettre, de ce vieil ami et parent qui lui avait fait découvrir l’écriture de ses ancêtres. « Mon père spirituel », comme il aimait à l’appeler. On l’avait parfois aidé à s’asseoir, car il ne pouvait plus le faire, le soutenant de chaque côté et en l’aidant à maintenir les yeux ouverts, pour qu’il puisse faire une lecture cohérente de ce gribouillis, et qu’il dise enfin, comme il aurait dû le faire depuis le début, la vérité. C’est à dire un message codé entre membres de la rébellion.
Editeur |
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