Ennemis Mortels, représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale – Olivier Lecour Granmaison
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Pour mieux comprendre la place singulière de l’islam aujourd’hui en France, cet ouvrage étudie les représentations de cette religion et des musulmans élaborées de la fin du XIXe siècle jusqu’à la guerre d’Algérie par les élites académiques, scientifiques, littéraires et politiques.
S’appuyant sur des sources diverses, parfois ignorées ou négligées, Olivier Le Cour Grandmaison analyse la façon dont ces élites ont, pendant des décennies, conçu et diffusé un portrait pour le moins sombre des colonisés musulmans. Pendant qu’Ernest Renan, par exemple, soutient que l’islam « n’a été que nuisible », Guy de Maupassant se passionne pour la sexualité prétendument débridée et « contre nature » de ses adeptes.
Conçues par des personnalités souvent célèbres, diffusées par des institutions prestigieuses, ces représentations sont rapidement incluses dans de multiples ouvrages de vulgarisation. Jugé rétif au progrès, le « musulman » est décrit comme un danger protéiforme et existentiel qui menace les bonnes mœurs, la sécurité sanitaire, celle des biens et des personnes, l’avenir de la nation et de la civilisation occidentale.
Ces représentations éclairent également les « politiques musulmanes » mises en œuvre par la France. Enfin, comme le montre l’auteur, ce passé affecte toujours notre présent et alimente les obsessions islamophobes de beaucoup de nos contemporains.
Résumé :
Pour mieux comprendre la place singulière de l’islam aujourd’hui en France, cet ouvrage étudie les représentations de cette religion et des musulmans élaborées de la fin du XIXe siècle jusqu’à la guerre d’Algérie par les élites académiques, scientifiques, littéraires et politiques.
S’appuyant sur des sources diverses, parfois ignorées ou négligées, Olivier Le Cour Grandmaison analyse la façon dont ces élites ont, pendant des décennies, conçu et diffusé un portrait pour le moins sombre des colonisés musulmans. Pendant qu’Ernest Renan, par exemple, soutient que l’islam « n’a été que nuisible », Guy de Maupassant se passionne pour la sexualité prétendument débridée et « contre nature » de ses adeptes.
Conçues par des personnalités souvent célèbres, diffusées par des institutions prestigieuses, ces représentations sont rapidement incluses dans de multiples ouvrages de vulgarisation. Jugé rétif au progrès, le « musulman » est décrit comme un danger protéiforme et existentiel qui menace les bonnes mœurs, la sécurité sanitaire, celle des biens et des personnes, l’avenir de la nation et de la civilisation occidentale.
Ces représentations éclairent également les « politiques musulmanes » mises en œuvre par la France. Enfin, comme le montre l’auteur, ce passé affecte toujours notre présent et alimente les obsessions islamophobes de beaucoup de nos contemporains.
« L’auteur nous amène à réfléchir à la construction (au XIXe siècle) et à la réification (au XXe siècle) de ce que ces mêmes élites ont appelé, avec une gravité souvent obsessionnelle, le “problème musulman”. Ici, émerge un paradoxe au cœur de la démonstration très référencée et argumentée : comment une grande puissance musulmane – ce que fut incontestablement la république impériale de 1870 à 1962 – a-t-elle pu accoucher d’un discours si islamophobe ? Une question qui, loin de ne travailler que le passé colonial de la France, a des résonances contemporaines troublantes… »
L’Histoire
Bio-express :
Olivier Le Cour Grandmaison enseigne les sciences politiques et la philosophie politique à l’Université Paris-Saclay-Évry-Val-d’Essonne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la France coloniale, dont Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial (Fayard, 2005), La République impériale. Politique et racisme d’État (Fayard, 2009) et L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies (Fayard, 2014, Apic éditions 2019).
Extrait :
Introduction
« J’ai beaucoup étudié le Coran à cause surtout de notre position vis-à-vis des populations musulmanes en Algérie et dans tout l’Orient. Je vous avoue que je suis sorti de cette étude avec la conviction qu’il y avait eu dans le monde, à tout prendre, peu de religions aussi funestes aux hommes que celle de Mahomet. Elle est, à mon sens, la principale cause de la décadence aujourd’hui si visible du monde musulman… »
Alexis de Tocqueville (1843).
« Le fanatisme pour l’islam est devenu comme le chameau et le palmier pour l’Algérie : il fait partie de la couleur locale. Quand on n’a rien à dire de notre Religion, parce qu’on ne sait rien d’elle, on affirme que les Indigènes musulmans sont des fanatiques, réfractaires au progrès… »
Ferhat Abbas (1931).
« Contre la meute on ne peut rien. Elle vous condamne sans sommation. “Musulman tu as été, musulman tu es !” Ainsi elle me nomma. »
Zahia Rahmani (2005).
21 février 1862. Collège de France. « Depuis le xvie siècle, un fait immense, jusque-là indécis, se manifeste avec une frappante énergie : c’est la victoire définitive de l’Europe […]. Jusque-là le sémitisme était maître encore sur terre. L’Orient musulman battait l’Occident. […] Désormais les rôles sont changés », déclare un professeur célèbre lors de sa leçon inaugurale. Pour illustrer cette affirmation, il précise : « Le génie européen se développe avec une grandeur incomparable ; l’islamisme, au contraire, se décompose lentement ; de nos jours, il s’écroule avec fracas. À l’heure qu’il est, la condition essentielle pour que la civilisation européenne se répande, c’est la destruction de la chose sémitique par excellence, la destruction du pouvoir théocratique de l’islamisme, par conséquent la destruction de l’islamisme. » Quels sont les moyens préconisés par l’auteur pour y parvenir ? Nous l’apprenons immédiatement puisqu’il ajoute ces considérations martiales et claires qui tendraient à prouver qu’il ne s’agit pas seulement pour lui d’apporter une contribution à l’histoire des civilisations et des religions mais d’intervenir aussi dans le champ politique en lançant un appel aux hommes qui président aux destinées de l’Europe. « Là est la guerre éternelle, la guerre qui ne cessera que quand le dernier fils d’Ismaël sera mort de misère ou aura été relégué par la terreur au fond du désert, affirme-t‑il. L’islam est le fanatisme […], le dédain de la science, la suppression de la société civile. » La somme de ces défauts essentiels imputés au mahométisme 1, destinée à en révéler la nature depuis toujours et pour toujours rétrograde, souligne davantage la précellence indéniable du Vieux Continent. Contribution significative, mais peu originale en fait, apportée par ce professeur à l’invention d’un Orient islamisé réputé par nature obscurantiste, hostile au progrès et ennemi d’un Occident pensé comme l’unique moteur de l’histoire universelle. Suite à ce tableau historique singulier de la religion musulmane et à cette adresse belliqueuse, le même interpelle ceux qui l’écoutent.
Plus que jamais, la leçon devient harangue prophétique et apologie d’une civilisation à nulle autre pareille en raison de la supériorité de ses principes qui l’autorise à soumettre les peuples et les races arriérés pour les soustraire à leur stagnation multiséculaire. « L’avenir, Messieurs, est donc à l’Europe, et à l’Europe seule, déclare le professeur.
L’Europe conquerra le monde et y répandra sa religion, qui est le droit, la liberté » et le « respect des hommes ». Lumineux plaidoyer en faveur d’un impérialisme européen légitimé par les bienfaits qu’il est supposé apporter au reste du genre humain ? Assurément. Qui est l’auteur de ces propos tenus dans l’enceinte prestigieuse du Collège de France ? Les spécialistes auront reconnu le discours d’ouverture de la chaire de langues hébraïque, chaldaïque et syriaque prononcé par Ernest Renan. Les autres découvriront quelques-unes de ses thèses majeures. Elles ont longtemps fait florès auprès de ceux qui, par la suite, se sont consacrés à l’étude de l’islam et des colonies mahométanes françaises conquises par une République toujours plus impériale, suite à la conférence de Berlin (15 novembre 1884‑26 février 1885) au cours de laquelle les puissances du Vieux Continent se sont accordées sur le partage de l’Afrique.
Depuis que la religion musulmane, en raison de l’actualité nationale et internationale, est pensée par beaucoup comme un problème majeur posé à la France, à l’Europe et à l’Occident, les thèses d’Ernest Renan sont fréquemment invoquées. L’universitaire Jean Balcou nous invite ainsi à méditer son oeuvre pour mieux comprendre les temps présents et nous y orienter plus sûrement. Soucieux de conférer à leurs diatribes islamophobes une certaine légitimité académique, des chroniqueurs pressés et des militants d’extrême droite citent également certains de ses textes.
Editeur |
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