Les figues s’ouvrent – Lasse Söderberg

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Lasse Söderberg, né le 4 septembre 1931 à Stockholm, est un poète et critique suédois fortement influencé par le surréalisme. Il est aussi traducteur, notamment des poètes français et latino-américains.

Il a été rédacteur en chef de la revue littéraire Tärningskastet dans les années 1976-1988. Dans les années 1987–2006, il fut l’initiateur des Journées internationales de la poésie à Malmö.

 Lunaire

Au fond de ce miroir comme une orbite vide où il n’y a que de la nuit, où les limaces laissent leur traînée de bave étincelante, semblable à des larmes mortes, je vois un JE lentement se dissoudre et disparaître. Il n’en reste qu’une boucle dans le vide. Vainement j’essaye de déchiffrer ce mot dont je suis la lettre initiale.

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Description

Quelle sensation que d’écrire une préface pour le poète qui, vers la fin des années 50, a accompagné ma propre « entrée en poésie » ! Le poète à qui, de plus, nous devons deux poèmes particulièrement significatifs par rapport au pays de publication de cette collection de poèmes, à savoir (1) « Le ciel au-dessus de Fresnes » écrit vers la fin de l’hiver de 1961-62 et diffusé à la radio suédoise au printemps de 1962, et (2) « Dernière halte, Bou Saâda » (publié en1965), la plus belle évocation du Nord saharien que connaisse la langue suédoise.

Lasse Söderberg, auteur des Acrobates (1955), fut le poète de ma jeunesse. Surréaliste d’une grande hilarité, avec Éluard, Breton et Max Ernst dans ses bagages, il allait surtout écrire des poèmes sensiblement et profondement lyriques, apparentés à la poésie de la « génération 1927 » espagnole jusqu’à emprunter le titre d’un recueil (1958) au grand poète Jorge Guillén : El pájaro en la mano, « L’oiseau dans la main ». Poèmes en quatrains très réguliers, investis d&#8217un lyrisme aussi exact que sensuel. Voilà mon Söderberg « des origines ».

À L’oiseau dans la main suivront ainsi La fragilité du monde en 1963 et Porte à serrure (avec le poème sur Bou Saâda) en 1965, l’année qui marque le retour en Suède de Söderberg après une décennie d’exil partagé entre l’Espagne et la France.

Le retour deviendra l’occasion d’une recherche de repères, dans une Suède qui ne ressemblait plus à celle que Söderberg avait quittée. Son ami de jeunesse, véritable frère en poésie, à savoir Tomas Tranströmer (né en 1931 comme Söderberg, Prix Nobel en 2012), s’orientait vers le poème en prose, Robert Bly — le poète américain — aidant. Et l’intérêt de Söderberg pour le poème en prose se manifestera, en 1984, par la publication, avec Lars-Håkan Svensson, d’une anthologie de poèmes en prose suédois.

Ainsi que l’on pouvait s’y attendre cet intérêt pour le poème en prose allait porter ses fruits dans l’oeuvre du poète lui-même. Et ce sont ces « fruits » qui, tirés de recueils publiés au cours des dernières trois décennies, sont réunis dans ce volume sous le nom de « figues ». Volume d’une cohésion interne toute naturelle, il me semble, malgré le fait qu’il s’agit d’une sélection.

Que pourrait bien trouver à dire le préfacier au sujet du poème en prose, si bien installé dans la langue française ? Tout récemment, Söderberg a publié un mince volume de traductions de Pierre Reverdy, et le lecteur suédois est frappé par le naturel avec laquelle les poèmes en prose de Reverdy s’insinuent, grâce à lui, dans la langue suédoise. Or, qui dit Reverdy dit Max Jacob (celui du Cornet à dès), pour qui le fondateur du genre s’appelait Aloysius Bertrand, poète dont Söderberg a pu faire connaissance très tôt, puisque Gunnar Ekelöf l’a inclus dans son anthologie Cent ans de poésie française en 1934. Autres repères pour

Max Jacob : Baudelaire et Rimbaud ainsi que Mallarmé, dont Söderberg est le traducteur éblouissant.

Avec Francis Ponge, les choses se compliquent. Mais, parmi les rares traductions de Ponge de l’époque, celle du « Pain » faite par Söderberg, que j’ai lue en 1963, ressort dans mon souvenir. On connaît Ponge attentif voyageur en Algérie (Le Porte-plume d’Alger, 1947). Mais puisqu’il est question de précurseurs dans le domaine du poème en prose, comment passer sous silence le précurseur absolu en quelque sorte, à savoir Philostrate. Et qui dit Philostrate dit ecphrase. Et là, pourrait-on dire, Söderberg reste fidèle à la plus ancienne intuition du genre, en écrivant, à l’instar de Ponge, sur les artistes de sa prédilection : à côté de C.O. Hultén, son compatriote, on trouvera Dorothea Tanning, Bona Tibertelli de Pisis, Joan Miró, Pierre Alechinsky.

Prenons la machine à coudre mise à l’ouvrage dans le poème dédié à Bona Tibertelli : rencontre inattendue de quelques inventions techniques (révolver Colt, prothèse de jambe, machine à coudre) avec l’exercice machinal du coït. Rencontre on ne peut plus lautréamontaine, ce poème sur l’inspiration textile de Bona Tibertelli renoue en effet avec le surréalisme des débuts de Söderberg (Les Acrobates). Pour la lecture du « Figuier », on en retiendra la métaphore érotique, par laquelle Söderberg se situe, gracieusement, à l’antipode de Ponge, qui, dans Pourquoi une figue de paroles et comment, nous présente, à côté de sa boîte de figues sèches typographiquement alignées, deux « figues fraîches » pour en dire son « dégoût ».

Pour cet antagonisme, fructueux, dirais-je, on pourrait également citer les 8 lignes du poème de Söderberg « Un verre d’eau » (1958), petite merveille de simplicité qui semble vouloir s’inscrire en faux contre les cinquante pages du « Verre d’eau » (1948) de Ponge.

 

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Après le retour en Suède en 1965, Söderberg a multiplié ses activités : traducteur singulièrement prolifique, fondateur et rédacteur (avec L.-H. Svensson) de la revue Le coup de dés, animateur culturel… En tant qu’organisateur du Festival de poésie à Malmö, il transformait régulièrement la Suède méridionale en foyer de la poésie mondiale, activité qui ne l’a pourtant pas empêché de faire redémarrer sa propre écriture poétique, d’abord avec Le château la Coste est en ruines (1989), qui ouvre la nouvelle phase de sa poésie, phase à laquelle appartiennent tous les poèmes traduits ici, phase toujours en heureuse évolution.

 

 

Jesper Svenbro, de l’Académie suédoise

 

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