Misère de la littérature – Rostom Djawad Touati
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« Peut-être sur le plan purement formel : deux copistes qui s’exercent à reproduire la même vieille carte postale, sans doute l’un fera mieux que l’autre. Mais en définitive, ce sera la même nature morte, tandis qu’à côté, la vie réelle se déploie sous les yeux des vrais peintres, qui cherchent à saisir des moments clés de ce devenir » (Dj. R. Touati).
« Une idéologie est dominante seulement, et seulement si elle n’est pas perçue comme telle », disait Frank Lepage en paraphrasant Marx. C’est-à-dire si elle connaît un tel niveau de diffusion qu’elle semble aller de soi, que les représentations qu’elles charrient paraissent l’évidence même. Raison pour laquelle « le discours du mythe doit dissimuler aussi bien ses propres origines que celles de ce qu’il décrit » (Edward Saïd).
Pour extirper les origines du mythe néocolonial, Nadir, le poète dilettante, s’engage à manier la rime en vers et contre tous les idéologues du défaitisme et de l’autodénigrement. Ce faisant, il trouvera en Lina, jeune universitaire et romancière prometteuse, un soutien aussi précieux qu’inattendu.
En œuvrant à transformer le monde, les jeunes auteurs se transforment eux-mêmes, ainsi que leurs rapports. Alors que Lina réalise que « la liberté réside dans la transformation de ses propres déterminations » (Engels), Nadir dépassera-t-il enfin les conduites d’échec qu’il a sublimées en idéal de liberté ?
Avec Misère de la littérature, l’auteur ferme les portes de sa trilogie risquée « Le culte du ça », et ouvre celles du débat sur la « question littéraire » : l’écriture.
Résumé :
« Peut-être sur le plan purement formel : deux copistes qui s’exercent à reproduire la même vieille carte postale, sans doute l’un fera mieux que l’autre. Mais en définitive, ce sera la même nature morte, tandis qu’à côté, la vie réelle se déploie sous les yeux des vrais peintres, qui cherchent à saisir des moments clés de ce devenir » (Dj. R. Touati).
« Une idéologie est dominante seulement, et seulement si elle n’est pas perçue comme telle », disait Frank Lepage en paraphrasant Marx. C’est-à-dire si elle connaît un tel niveau de diffusion qu’elle semble aller de soi, que les représentations qu’elles charrient paraissent l’évidence même. Raison pour laquelle « le discours du mythe doit dissimuler aussi bien ses propres origines que celles de ce qu’il décrit » (Edward Saïd).
Pour extirper les origines du mythe néocolonial, Nadir, le poète dilettante, s’engage à manier la rime en vers et contre tous les idéologues du défaitisme et de l’autodénigrement. Ce faisant, il trouvera en Lina, jeune universitaire et romancière prometteuse, un soutien aussi précieux qu’inattendu.
En œuvrant à transformer le monde, les jeunes auteurs se transforment eux-mêmes, ainsi que leurs rapports. Alors que Lina réalise que « la liberté réside dans la transformation de ses propres déterminations » (Engels), Nadir dépassera-t-il enfin les conduites d’échec qu’il a sublimées en idéal de liberté ?
Avec Misère de la littérature, l’auteur ferme les portes de sa trilogie risquée « Le culte du ça », et ouvre celles du débat sur la « question littéraire » : l’écriture.
Bio-express :
Djawad Rostom Touati est également l’auteur de La scène et l’histoire (Apic éditions, 2021) et La civilisation de l’ersatz (Prix Ahmed Baba de la Rentrée Littéraire du Mali 2020), 2eme volet de la trilogie « Le culte du ça ».
Extrait :
Prologue
Le chef de chantier ne devait pas avoir plus de dix ans. Il commandait à une équipe de trois ouvriers : un garçonnet de son âge, un autre un peu plus jeune, et une fillette de six ou sept ans. Lina l’entendit distribuer ses ordres : il envoya le plus grand emplir deux seaux de sable humide près du bord, aux deux plus jeunes d’aller chercher des coquillages, « pour décorer », précisa le chef. Pendant que ses camarades s’exécutaient, lui-même s’accroupit pour tracer les limites du terrain où il semblait qu’ils allaient bâtir leur château-fort.
Lina observait ce manège, un sourire attendri aux lèvres. Des réminiscences de ses propres années d’enfance, durant les vacances, se rappelèrent à son souvenir. Elle se revoyait, debout devant son père accroupi, au bord de la plage, tandis qu’il faisait adroitement couler du sable liquide sur un monticule préalablement formé, pour donner à ce château improvisé, par succession de stalagmites, l’aspect d’un manoir aux tourelles inégales. Puis, pendant que l’un des gosses revenait avec les seaux pleins de sable humide et tassé, une autre réminiscence s’imposa à son esprit : une allégorie que Nadir tenait de son écrivain préféré, sur les enfants qui s’emploient le plus sérieusement du monde à construire des châteaux de sable, pour les détruire en fin de journée avant de quitter la plage.
Cette évocation du jeune homme lui rappela qu’elle avait emporté avec elle le recueil de poésie qu’il avait publié depuis bientôt trois ans. Elle admira un moment la fillette qui revenait la première en exhibant, les mains ouvertes, les coquillages qu’elle avait rapportés. Le chef de chantier les examina d’un œil expert et, après en avoir sélectionné trois ou quatre, qu’il garda dans sa main, il enjoignit à la fillette de jeter le reste et de tâcher à trouver de plus grands coquillages, sans se focaliser sur ceux, petits et nacrés, qui avaient sa prédilection. La fillette, sans se formaliser, laissa tomber les coquillages désormais inutiles qui lui étaient restés dans les mains, et courut en chercher d’autres, avec un enthousiasme inentamé.
Lina, toujours souriante, farfouilla dans son sac de plage pour en tirer l’ouvrage de Nadir. Elle examina la couverture épurée, avec pour seule illustration une carte de l’Algérie, à l’intérieur de laquelle était inscrit le titre du recueil : L’Odyssée algérienne. Elle se rappelait, à chaque fois qu’elle le feuilletait, qu’elle devait lire « l’Iliade algérienne », de Moufdi Zakariya, à quoi le titre de Nadir était un clin d’œil. Elle se souvint du jour où il lui lut, en arabe, « L’Assomption du guillotiné », auquel elle ne comprit pas grand-chose. Sous l’œil réprobateur de Nadir, elle s’empressa d’ironiser : « Je suis un pur produit de l’acculturation que tu dénonces. » Nadir sourit, et, non moins ironique, rétorqua : « Bah ! J’avais pensé à traduire Moufdi en français, puis je me suis dit que cela n’avait aucun intérêt, et aurait même un effet pernicieux. Mais rien que pour tes beaux yeux, je vais m’y mettre. » Elle répliqua, rigolarde : « Avec ta tendance à procrastiner, j’aurais eu le temps de devenir Sibaweyh avant que tu n’eusses traduit le premier vers. » « Allah Allah ! Si nous connaissons Sibaweyh, tout espoir n’est pas perdu », avait exclamé Nadir, mi sarcastique, mi enthousiaste.
Lina s’arracha à ses souvenirs et se mit à feuilleter le recueil. Elle voulut relire le préambule, qu’elle connaissait quasi par cœur, mais qu’elle appréciait toujours autant :
L’oncle Hô disait de la poésie, en substance,
Qu’elle ne devait pas seulement chanter la nature
Ou les appas des femmes, en de pathétiques stances ;
Les tableaux bucoliques, les vibrantes peintures
Doivent céder la place aux dures réalités :
Qu’importe les étoiles quand sur terre l’homme souffre !
Assez d’air de la mer, et autres banalités,
Quand celui du peuple sent la guerre et le soufre !
Assez des dilettantes, et de leurs vaines postures !
Qui observent le monde depuis leur tour d’ivoire,
Et qui, faisant de lui une narcissique lecture,
Le réduisent, pour leur égo, à un simple miroir.
Il faut, en art comme partout, des hommes virils :
Assez des névrosés, des plumitifs de quatre sous !
Assez des eunuques contemplant leur nombril
Parce que – disons-le franchement – il n’y a rien en dessous !
Bien que de ce poème mainte fois relu elle connût déjà la chute, celle-ci ne manquait jamais de la faire sourire, car elle voyait défiler devant ses yeux tous les « écorchés vifs » qu’elle avait rencontrés ou qu’elle croisait encore sur la toile. Son sourire s’effaçait lorsqu’elle évoquait celui qui avait, croyait-elle, joué un grand rôle dans sa rupture avec Nadir. Cela remontait à moins d’un an, lorsqu’avait paru son deuxième roman, celui dont elle était le plus fière, celui qu’elle avait écrit avec l’impression d’une plus grande maîtrise et d’une plus profonde lucidité quant à ce qu’elle voulait exprimer…
Roman qui avait été, surtout en regard du succès qu’avait remporté le premier, un fiasco complet.
Editeur |
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